mardi 19 juin 2018

«Martyre de l'A10»: «Les gendarmes d'Orléans avaient à cœur de poursuivre l’enquête»

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Jusqu’à aujourd’hui, elle n’avait pas de nom. Cette fillette de quatre ans, découverte en 1987 dans un fossé à Suèvres (Loir-et-Cher), était simplement surnommée la « petite martyre de l’autoroute A10 ». Aujourd’hui, elle a retrouvé son prénom : Inass. Durant des années, les enquêteurs de la section de recherche d' Orléans ont essayé de l’identifier. Près de 65.000 écoles avaient été visitées à la rentrée scolaire, son signalement avait été diffusé dans plus de 30 pays et sa photographie placardée dans tous les endroits publics. En vain.

Le 12 juin dernier, 31 ans après la découverte du corps mutilée de la petite fille, les gendarmes ont interpellé ses parents et les ont placés en garde à vue. Deux jours plus tard, ils étaient mis en examen pour meurtre, recel de cadavre, violences habituelles sur mineur de moins de 15 ans. Comment les enquêteurs sont-ils remontés jusqu’à eux ? Le général Jean-Philippe Lecouffe, chef de la police judiciaire de la gendarmerie, revient pour 20 Minutes sur le dénouement de cette incroyable affaire.

Les enquêteurs sont remontés jusqu’aux parents d’Inass grâce à un prélèvement ADN opéré sur son frère en 2016… Comment cela s’est-il passé ?


Une des clés de la réussite de cette affaire, c’est la qualité du travail des gendarmes de l’époque. La couverture dans laquelle la petite était enroulée et ses vêtements, saisis par les enquêteurs en 1987, vont être conservés dans de très bonnes conditions. C’est ce qui a permis, plus tard, de réaliser plusieurs séries d’analyses dans différents laboratoires. La couverture a été examinée plusieurs fois. En 2007, on trouvera dessus l’ADN des parents de cette enfant. Puis, en 2013, on va découvrir un ADN masculin inconnu, qui s'avérera être celui de son frère. Il est alors intégré au Fnaeg (Fichier national automatisé des empreintes génétiques), en tant que trace non résolue.
Fin 2016, ce même frère de la petite Inass est impliqué dans une affaire de violence, dans l’Aisne, et est placé en garde à vue par les gendarmes. Son ADN est prélevé et rentré dans fichier en 2017. C’est là qu’on va se rendre compte qu’il correspond avec l’ADN inconnu prélevé sur la couverture qui enveloppait le bébé découvert le long de l’A10, et qui avait intégré dans la base en 2013. Par la suite, les gendarmes vont mener une enquête classique le concernant, et ainsi remonter jusqu’à ses parents qui sont aussi ceux de la petite.

Ce sont donc les dispositions permettant de ficher l’ADN prélevé par les forces de l’ordre qui ont permis la réussite de cette enquête ?


Oui car une partie du Fnaeg contient entre 450 000 et 500 000 « traces non résolues ». Ce sont tous les prélèvements d’ADN effectués lors d’affaires qui n’ont pas trouvé de « propriétaires ». Parmi eux se trouvent ceux des auteurs mais aussi sûrement les ADN de policiers, de gendarmes ou de pompiers qui sont intervenus sur place. Il y a aussi des empreintes génétiques de personnes qui sont passées par là et qui n’ont peut-être rien à voir avec l’affaire.

Il y a en outre les ADN d’environ 3,5 millions de personnes qui ont été prélevés par les gendarmes ou les policiers. Le code de procédure pénal prévoit que les auteurs de près de 200 infractions - notamment les crimes ou les viols - puissent faire l’objet d’un prélèvement d’ADN. Cet ADN est intégré au Fnaeg et est ensuite comparé avec les traces non résolues. C’est ainsi que cela s’est passé avec le frère d’Inass. Jusqu’à 2016, nous avions son ADN mais nous ne pouvions pas mettre de nom dessus parce qu’il n’avait jamais été prélevé.

Beaucoup d’affaires criminelles sont résolues grâce à l’obstination des enquêteurs…


Cette affaire a duré plus de trente ans. Au fil des années, des magistrats ont passé le relais à d’autres magistrats, des gendarmes à d’autres gendarmes. Le risque était que le meurtre soit un jour prescrit. Le délai de prescription pour les crimes était, jusqu’en 2017, de 10 ans. Depuis, il est passé à 20 ans. Cela signifie qu’à partir du moment où le dossier est clos, si un acte d’enquête n’est pas réalisé dans les délais, l’affaire s’arrête.

Tous les gendarmes passés par la section de recherche (Loiret) avaient à cœur de poursuivre l’enquête. De même, les magistrats de Blois n’ont jamais lâché l’affaire et toujours soutenu les gendarmes.Tous ont fait le nécessaire pour que l’affaire reste ouverte.

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